Duo de Chefs

Nutile* – Lavandet, la rencontre de deux parallèles

par Guillaume Mollaret | Photographie Jean-Claude Azria

L’un a fait ses premières classes en lycée hôtelier, tandis que l’autre a découvert la cuisine dans un camping d’Ardèche… Leurs parcours professionnels présentent peu de points communs. Pourtant, le tonique Jérôme Nutile*, Meilleur Ouvrier de France, et Julien Lavandet, toque de l’Uzège à la zénitude assumée, présentent de nombreux points communs dans l’exigence professionnelle à laquelle ils s’astreignent.

 

“Ils n’ont tous les deux qu’un but, c’est le goût !”

Et ils y arrivent chacun avec leur personnalité car ils sont diamétralement opposés dans l’approche de leur travail. Jérôme a besoin de penser les choses, de les mentaliser avant de les expliquer à son équipe pour les rendre reproductibles avec une rigueur extrême.Tandis que Julien a une approche plus instinctive et personnelle », sourit Mario Monterroso, chef de l’Amphitryon à Castillon-du-Gard, qui connaît bien les deux hommes pour avoir fait son lycée avec Jérôme et accueilli Julien comme apprenti. Parlons d’abord du Nîmois. Alors qu’il ne dispose d’aucune connexion dans le milieu de la gastronomie, Jérôme Nutile*, apprenti au lycée hôtelier L’Étincelle dans le quartier Pissevin, se bat et se débat dès les premières années pour entrer dans les grandes maisons. « À l’époque il fallait connaître des gens. Or, personne dans ma famille n’était du sérail », se souvient le chef.

Pourtant, à la faveur de la défection d’un camarade de classe, c’est à l’Abbaye de Sainte-Croix de Salon-de-Provence, que le jeune Nutile* épluche ses premières carottes dans un restaurant gastronomique. « Pascal Morel a, pour moi, été quelqu’un de très important. Un chef extraordinaire qui m’a donné ma chance », salue Jérôme Nutile. Bienveillant, le chef Morel est aussi un chef à l’ancienne qui demande à Jérôme de venir travailler les week-ends alors que ce dernier est lycéen la semaine. Au milieu du peu de temps qu’il lui reste, l’étudiant trouve un maigre espace pour préparer les épreuves de son bac… qu’il obtient avant de rejoindre les cuisines du Chabichou* à Courchevel puis la prestigieuse maison bressane de Georges Blanc***. Un chef prestigieux qui, encore aujourd’hui, s’arrête pour déjeuner chez son ancien poulain.

« J’ai sincèrement de l’admiration pour le chef d’entreprise qu’il est du Riche, cela me procure tous les jours une émotion. » dit le chef gardois dont la patte Blanc se retrouve notamment dans les sauces généreuses qui habillent les plats du restaurant gastronomique* et du Bistr’au. En ouvrant ses propres restaurants il y a six ans, après une aventure à Collias qui le mena jusqu’à la 2e étoile au Michelin en 2009 et au titre de Meilleur Ouvrier de France deux ans plus tard, Jérôme Nutile*, jamais avare d’un challenge pour lui-même, se fixe également celui d’accompagner les plus jeunes dans leur volonté de se confronter à eux-mêmes dans un sain esprit de compétition.

 

“Ils sont diamétralement opposés dans l’approche de leur travail.”

Désormais, le Gardois est donc coach et consultant lors desBocuse d’Or. « Durant les concours, on se rencontre, on se jauge, explique le chef qui complète : « On met en question mais sans jugement de valeur, tout se fait toujours dans le partage et la générosité. » Ces deux dernières valeurs tiennent également au coeur du chef Julien Lavandet. Cependant, ce n’est pas dans la compétition que le chef de 37 ans, installé à son compte à Montaren-et-Saint-Médiers près d’Uzès, va les chercher. « Quand il voit un produit, il sait tout de suite ce qu’il va en faire. C’est bluffant car au départ on se demande où il veut en venir… et puis d’un coup, tout s’éclaire. Il est foisonnant d’idées », salue Mario Monterroso. La suite de sa carrière se conjugue à l’exotisme entre Saint-Barth et l’Écosse, avec quelques passages par la métropole.

 

“Ma cuisine c’est un peu la révolution permanente.”

Si je travaille d’abord des produits locaux et de saison, ce qui n’a rien d’exceptionnel, c’est quand même la base, j’aime parfois leur apporter une touche venue d’ailleurs. Ce n’est qu’ensuite que je travaille l’esthétique », détaille-t-il. Alors que de nombreux restaurants proposent une carte souvent figée, celle de La Table 2 Julien change chaque semaine avec au choix trois entrées, trois plats et trois desserts. Sa compétition à lui. « C’est un peu la révolution permanente mais puisque je travaille sans livre de recettes, c’est aussi une façon pour moi de me remettre en question à chaque service », poursuit-il. Par ailleurs, à l’heure où certains restaurants cherchent à élargir le nombre de couverts servis, Julien Lavandet, lui, a plutôt tendance à le réduire. « La cuisine est ma passion. J’aime me mettre en danger, mais pas me prendre la tête », évacue-t-il dans un rire qui cache sa modestie. C’est d’ailleurs là un autre point où se croisent les lignes pourtant parallèles formées par ces deux chefs qui préfèrent cent fois la cuisine aux palabres. Les saveurs et dressage de leurs plats parlent pour eux. •

Jérôme Nutile* Mof
Restaurant gastronomique*
Fermé le mardi et mercredi
Bistr’au
Fermé le dimanche
351, chemin Bas-du-Mas-de-boudan 30000 Nîmes
Tél. :04 66 70 08 99

La table 2 Julien
Ouvert du mardi au jeudi uniquement le soir,
Ouvert vendredi et samedi, midi et soir.
12, route d’Uzès 30700 Montare-et-saint-Médiers
Tél. : 04 66 03 75 38

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