Escapade

Quand un village fait tout un plat de la figue

Article et photographie par Julien Claudel

Véritable écrin médiéval juché sur un éperon rocheux, le village de Vézénobres, près d’Alès, annonce le Piémont cévenol, l’esprit de la Réforme et le souvenir de la fameuse voie Régordane. C’est aussi là que, depuis une vingtaine d’années, un étonnant verger conservatoire du figuier est implanté. La commune a fait son emblème de cet arbre nourrissant et le support original de son développement économique et touristique.

C’est le village des androunes et des calaberts. Des quoi ? Oui, voilà ainsi résumées deux principales caractéristiques de cette commune classée parmi les rares « villages de caractère » du Gard, avec notamment Lussan, Barjac, Sauve ou Aumessas. Les androunes, ce sont ces petites ruelles en calades ou en escaliers, passages étroits couverts où s’engouffre le vent, qui relient entre elles les rues étagées dont Vézénobres est constitué, à la façon de bandes concentriques, étonnant témoignage de la topographie médiévale du village. Les calaberts, eux, remontent à une vieille tradition spécifiquement locale, unique entre Méditerranée et Massif central : la culture et, surtout, le séchage des figues. Vézénobres est à sa manière la capitale française de ce petit fruit méditerranéen, dont les habitants tiraient une partie du revenu familial, entre le XIVe et le XIXe siècles. Ces calaberts sont des terrasses bâties au-devant des maisons, protégées du vent, exposées au zénith et surmontées de voûtes, on y posait les clayettes qui accueillaient en fin d’été des figues fraîches pour une étape de dessiccation efficace. À l’ancienne foire de Saint-André de Vézénobres, en novembre, on commerçait jusqu’à, dit-on, 40 tonnes de figues sèches en une journée. Le fruit séché de l’arbre faisait la joie et le délice des pèlerins et des marchands qui empruntaient la Régordane, célèbre voie antique qui reliait le Puy-en-Velay à Saint-Gilles et traversait la cité, dont les grands randonneurs sillonnent toujours le tracé le long du GR 700.

Alors que les Cévennes toutes proches annoncent le règne du mûrier et de la châtaigne, dont de nombreux villages et de vastes forêts témoignent de la fortune passée, à Vézénobres c’est le figuier qui pousse un peu partout au coin des rues et des jardins. On surnomme d’ailleurs les habitants les « Penja figas », du fait qu’ils « suspendaient les figues ». Depuis une vingtaine d’années, ce passé s’invite à nouveau dans la vie de la commune qui a décidé de faire tout un plat du fruit-fleur. Le premier engagement est venu d’une collaboration avec le Var, et plus précisément le Conservatoire botanique national de Porquerolles. L’île compte une grande collection de figuiers issus des deux rives de la Méditerranée qu’elle a dupliquée en 2000 à Vézénobres. Sur un terrain pentu de deux hectares, orienté plein sud et protégé des vents au pied du château Girard, le verger de collection aligne pas moins de 1 000 arbres représentant plus de 150 variétés. Il est destiné à entretenir la variété du patrimoine génétique du figuier et d’étudier ses évolutions face au changement climatique.

Ralliant à sa cause des passionnés, des associatifs et des chercheurs, sa vocation pédagogique et culturelle fait de lui un support à de nombreuses visites, animations et festivités dans le village. Retenez d’ores et déjà la prochaine Figoulade et son grand marché du 15 août ou, plus tard en octobre, Jours de figue. Portée en 2019 par la commune et l’agglomération d’Alès, une « Maison de la figue » a même vu le jour pour renforcer ce tournant touristique centré sur l’histoire et la culture du figuier. Elle rassemble tous les acteurs, impulse des manifestations, et sa boutique fait la promotion de produits locaux inspirés : biscuits, confitures, pâtés, tapenades sucrées-salées, confits, moutardes, et quelques boissons originales : vins aromatisés, limonades et sirops. Les restaurateurs locaux, dont le Clos des Gourmandises repris au coeur du village par un couple de Normands il y a trois ans, confirment : « On n’hésite pas à faire entrer la figue fraîche au menu, pourquoi pas entre un éclair aux gambas et un tartare de magret fumé ! », sourient Hervé et Sonia.

“"On surnomme les habitants les Penja figas, du fait qu’ils « suspendaient les figues » »”

Bien qu’omniprésente, la seule figue ne saurait justifier une balade à Vézénobres. Avec ses maisons romanes, ses coquilles à tous les angles des maisons, ses fontaines, ses oculus, la tour de l’Horloge, la porte médiévale de Sabran, le château Renaissance de Montfaucon, la maison où vécut le grand chef camisard Jean Cavalier, le village médiéval a de quoi séduire. Les amateurs d’archéologie fileront directement vers les restes de l’oppidum tandis que les férus d’histoire et les amateurs de patrimoine restauré finement trouveront de quoi lever les yeux et ralentir le pas.

MAISON DE LA FIGUE
Boutique, lieu d’expos et d’animations, visite du verger conservatoire
Les terrasses du Château
Tél. : 04 66 83 63 02
www.maisondelafigue.com

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