Le Goût des Autres

Alexandre Brasseur “La cuisine sans gras, ça n’a pas de goût”

Propos recueillis par Guillaume Mollaret | Photographie Jean-Claude Azria

Alexandre Brasseur vit dans la région pour les besoins de la série quotidienne « Demain nous appartient » diffusée sur TF1 à 19h20. Il y campe le rôle d’un ostréiculteur. Curieux de la cuisine de Jérôme Nutile*, il n’hésite pas à interpeller le chef pendant le service, pour comprendre et complimenter sa cuisine et ses choix de vaisselle.

GARD AUX CHEFS : Aimez-vous cuisiner ?

Alexandre Brasseur : J’adore faire la cuisine. Manger, ça aide à prendre des forces. Quelles que soient les épreuves que je traverse, je ne perds pas l’appétit. Pour ce qui est de la maison, la cuisine est souvent une cuisine de restes. J’aime la cuisine familiale. J’aime le gras car la cuisine sans gras, ça n’a pas de goût.

Entrée : Asperge verte de pays gardois juste cuite ; papaye et cacahuètes ; espuma à la fève de tonka et huile d’olive.

Avez-vous découvert des mets particuliers en vous installant dans la région ?

Non, pas vraiment. J’ai beaucoup bourlingué et fait pas mal de tournées (au théâtre, ndlr) aussi, je connais bien mon pays. En fait, puisqu’on en mange, je pense que je ne connaissais pas aussi bien les asperges vertes. On en trouve des sauvages un peu partout. C’est chouette. Personnellement, je les fais cuire dans un plat au four avec huile d’olive, sel, poivre. 20 minutes. Basta cosi. Dès qu’elles grillent un peu, je les sors et je les mange.

A l’heure où beaucoup de gens se déclarent végan ou sans gluten, avez-vous des interdits ?

Non. En revanche, il y a des choses de l’enfance… J’ai été en pension pendant des années. Alors, longtemps, quand on me parlait de riz blanc, je partais en courant car là-bas il n’était pas bon. Du coup, je ne cuisine pas de riz chez moi car je ne sais pas le faire. Si on me le cuisine bien en revanche… je le mange volontiers !

Comment faites-vous sur les tournages pour équilibrer votre alimentation ?

Je trouve toujours le temps de manger et je connais bien notre chef. De toute façon dans le cadre professionnel, je ne mange pas de sandwich. Dans la vie, si je n’ai pas le choix, je le fais mais c’est compliqué pour moi si on me fait sauter un repas. Nous étions récemment en Espagne chez des amis. On a mangé à 15h30 ou 16 heures, j’ai tenu… Mais j’aime bien manger à une heure normale de déjeuner.

Jérôme Nutile arrive avec le premier plat : carabineros de Palamos (gambas) en parure de lard paysan ; petits pois du jardin légèrement acidulés ; écume marine relevé au curry d’ici.

Alexandre Brasseur interrompt l’entretien pour parler au chef : [Votre pain aux olives, ce n’est pas du pain… C’est une tuerie aux olives. Je pourrais en manger au petitdéjeuner.] “C’est vrai, c’est une sorte de croissant”, sourit Jérôme Nutile.

En 1992, vous apparaissez dans « Le Souper », où votre père Claude (Joseph Fouché) et Claude Rich (Talleyrand) trouvent un accord de circonstance autour d’un grand repas. La table permet-elle de réconcilier l’irréconciliable ?

Certainement. La nourriture adoucit les moeurs et permet de se découvrir. Mais plutôt que de parler du Souper, qui est par ailleurs un grand texte, je vous recommande sur ce thème « Les saveurs du palais » avec Catherine Frot, qui joue le rôle de la cuisinière de l’Élysée. Il dit beaucoup de ce qui se joue à ces grandes tables. Je pense en effet qu’un bon repas peut changer la face du monde.

“La nourriture adoucit les moeurs et permet de se découvrir. ”

Arrive la poitrine de pigeon de Monsieur Bourreau aux senteurs de romarin ; coussinet de pomme Granny Smith et anguille fumée. Sucs d’arabica. Jérôme Nutile : “Le petit point vert c’est une essence de romarin. A goûter juste comme ça. On a réalisé une extraction.” Alexandre Brasseur au chef : “J’avais acheté une collection de livres édités par Taschen (Modernist Cuisine, ndlr) où ces techniques sont expliquées… C’est extrêmement compliqué.” JN : “Oui, c’est aussi très long alors que cela paraît très simple. Il faut plus de 6 heures pour élaborer la goutte que vous venez de déguster.”

Et pour ce qui est du restaurant, Quel type de cuisine recherchez-vous ?

J’aime tout, mais vous ne me verrez jamais dans un fastfood. Je n’aime pas non plus la cuisine à emporter. Même une pizza. Elle n’est bonne que quand elle sort du four. La cuisine de restaurant, elle se mange au restaurant. Le repas que nous sommes en train de partager, ce ne serait pas possible à la maison. Je vais vous faire une confidence : le jour où j’ai reçu ma première carte bleue, je suis allé seul à la brasserie Lipp (Boulevard Saint-Germain à Paris, ndlr) pour me payer un pied de cochon avec une bière. Ça avait dû me coûter dans les 100 francs (15 €) à l’époque… J’en ai un excellent souvenir… J’adore les pieds de cochon.

Vous aimez aller au restaurant. Qu’avez-vous ressenti pendant cette longue période de fermeture imposée à la profession ? De la frustration ?

Ce serait de la frustration si tout le monde pouvait y aller sauf moi. C’était surtout une grande lassitude. Avant la date de réouverture, ça a été le compte à rebours… On a compté les jours ! Quand on y repense… une si longue période c’est complètement fou.

Dessert : rencontre entre la carotte nouvelle du jardin en plusieurs versions et le gingembre en pâtisserie. *
Les plats ont été accompagnés de vins élaborés par le Domaine Chabrier Fils : Petite Arvine Sierre Chabrier (Suisse) ; et blanc et rouge IGP Cévennes et Pont du Gard. En digestif, Alexandre Brasseur a goûté le Blue Denime. Un gin élaboré à Saint-Gilles.

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