Le Goût des Autres

“Il y a une histoire qui se raconte derrière chaque service”

Propos recueillis à table par Guillaume Mollaret | Photographie Jean-Claude Azria

GARD AUX CHEFS : Une série télé, c’est un peu comme un repas chez sa belle-mère, on n’en voit pas la fin, Ou bien est-ce comme un repas dans un restaurant gastronomique où l’on attend le prochain plat avec impatience ?

Folco Marchi : Je suis, comme beaucoup de monde, friand de séries de télévision. Quant à la cuisine, les bons moments qui restent entre amis sont souvent des moments passés à table. C’est là que l’on fabrique les plus beaux souvenirs parce qu’on y prend le temps de se raconter des choses du quotidien que l’on ne se raconterait pas ailleurs. Paradoxalement, je vais souvent au restaurant seul. C’est aussi un moyen de se retrouver avec soi-même. C’est un lieu où les gens nous servent, où l’on se sent protégé. C’est un moment suspendu de ma journée. Je dirais même qu’il peut être presque méditatif. Là, par exemple, je me sens comme dans un cocon. C’est une expérience inédite.

Vous ne vous étiez jamais assis à la table d’un étoilé ?

C’est la première fois. Je vais une à deux fois par semaine au restaurant, j’aurais donc très bien pu aller dans un restaurant gastronomique, mais mes parents ne l’ont jamais fait… Je pense qu’il y a, inconsciemment, un frein psychologique qui fait que je ne m’étais jamais autorisé à le faire.J’avais peur de ne pas m’y sentir à ma place.

Le propre d’un comédien n’est-il pas précisément de jouer un rôle qui n’est pas le sien ?

C’est très vrai… (Il prend une gorgée de
Domaine Gassier Blanc Viognier puis un cromesquis d’escargot proposé en mise en bouche pour chercher ses mots.) En fait, j’ai souvent eu du mal à m’exprimer et cela m’arrange bien d’emprunter les mots d’un personnage.

Nous venons de déguster un saumon mi-fumé, écrasé de choufleur et Pélardon curry, sorbet chèvre frais, glaçon d’huile d’olive. Ludo, votre personnage dans Un Si Grand Soleil, étant vegan, vous n’auriez pas pu manger ce plat dans la série…

Moi, je ne suis pas vegan. Je me considère comme flexitarien. Cela veut dire que je m’autorise à manger de tout avec des bons produits. C’est ma préoccupation première. C’est une évidence mais j’essaye de rester assez proche de cette conviction qu’il faut manger un maximum de produits régionaux en faisant en sorte qu’il y ait le minimum d’intermédiaires entre le produit et moi.

Vous pêchez ou chassez ?

Non. Je n’y prendrais pas de plaisir, mais si nous devions retourner dans une société où il fallait le faire pour subvenir à nos besoins, sans doute que cela me dérangerait moins. Je n’achète pas de viande au supermarché et j’essaye par exemple de privilégier les bouchers qui travaillent directement avec les producteurs

Vous êtes donc un amateur de grande table ?

Je connais beaucoup  de  chefs  qui  sont devenus des amis. Il y a eu de belles rencontres. Je peux citer notamment Jean Bardet à Joué-lès-Tours. Il est difficile de trouver une table où manger tard en province. Et les chefs nous reçoivent toujours très bien, même s’il est tard. Je peux dire que même en journée, ils prennent le temps. Un jour, j’avais rendez-vous avec lui. Je suis entré à midi et reparti à 4 heures du matin après avoir visité des vignerons. Je suis aussi allé plusieurs fois chez Bocuse. Je connais le chef de la Table d’Uzès car il était avant au Vieux Castillon, à Castillon-du-Gard.

Cette rubrique s’intitule le goût des Spontanément, si l’on vous dit cuisine et cinéma, vous pensez à quel film ?, comme le film nommé aux Oscars en 2001. Avez- vous ce goût des autres ?

Comme beaucoup de monde, je pense à Louis de Funès dans Le Grand Restaurant.

On dit d’une blague qu’elle peut être de mauvais goût. En gastronomie, qu’est-ce que le mauvais goût ? Le thème de la cuisine et la restauration ont été largement abordés au cinéma. Mais il reste à mon sens des recoins à explorer. On a trop peu vu ce qu’est le quotidien d’un chef hors de sa cuisine. La saveur des ramen (sorti en 2018, ndlr) est en ce sens un bel exemple de ce qui a pu être réalisé en la matière. Je n’ai pas été dans beaucoup de cuisines, mais je suis persuadé qu’il y a une histoire derrière chaque service.

Vous voyez une forme de dramaturgie
à la cuisine ?

Comme pour la préparation d’un rôle, il y a une recette minutieuse à laquelle un comédien va mettre sa patte. Il y a probablement une montée en tension à l’approche du service que je compare à la montée sur scène. Des imprévus, de l’improvisation… et puis vous attendez la fin du repas pour voir la réaction du public… C’est ce que j’imagine en tout cas.

Vous vous appelez Folco, comme Folco de Baroncelli, manadier que l’on qualifie souvent d’inventeur de la Camargue. Une spécialité culinaire camarguaise vous interpelle-t-elle ?

Franchement, la rouille graulenne est un de mes plats préférés. Poulpe, pomme de terre, aïoli… J’essaye de la reproduire parfois, chez moi à Barcelone, mais ce n’est pas simple. Ma mère et ma grand-mère la cuisinaient très bien. Leur rouille graulenne reste évidemment la meilleure !

““Aller au restaurant seul, c’est se retrouver soi-même.”

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